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Les Peaux Foncées : Mélanine Divine, Destruction Coloniale & Colorisme Insidieux

Dernière mise à jour : 31 déc. 2021


Darkskin Ruler, 05 Juillet 2018


MISE EN CONTEXTE

En regardant le vidéo-clip Ben’Ova du trio de rappeurs WSTRN (Western), j'ai eu une réaction des plus surprenante qui m'a semblé pourtant anodine alors qu'elle était révélatrice d'un mécanisme inconscient et profondément coloriste. En écoutant leur chanson, j'étais enchanté par la sonorité musicale des chanteurs qui avaient chacun un timbre de voix particulier. Haile se distingue par sa voix mélodieusement douce et captivante tandis que Louis Rei se démarque par une voix des plus grave et hautement masculine. Haile a une carnation de peau très foncée et Louis Rei a une teinte de peau claire. Ainsi donc, le colorisme s'est manifesté de la façon suivante lorsque j'ai été surpris-e en affichant un sourire-moqueur du fait que la voix douce soit celle d'Haile tandis que la voix grave et rauque soit celle de Louis Rei. Il aura fallu l'intervention d'une tierce personne dans la pièce dans laquelle nous regardions le clip pour qu'il s'écrit devant toute l'assemblée : colorisme. Ces faits se sont déroulés à l'automne de la Saison X, c'est-à-dire pendant l'année miroir 2020. Dans cet article, j'ai décidé de me prononcer sur le colorisme en sollicitant des personnes à la peau foncée et plus particulièrement des hommes afin qu'ils puissent partager leurs expériences personnelles en nous expliquant comment le colorisme s'est matérialisé dans leur vie respective. Je précise que cet article est complémentaire à l'article suivant : Les Peaux Claires : Mélanine Divine, Fascination Coloniale & Colorisme Ambiant dans lequel j'ai exprimé mon ressenti en tant qu'une personne kamite à la peau claire conscient-e du colorisme au sein de nos communautés.



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RAPPEL HISTORIQUE

Soleil de minuit était le qualificatif peu élogieux par lequel l'un de mes camarades de classe de l'époque, à la peau très foncée, était surnommé par un certain nombre de professeurs y compris par les élèves (je n'ai pas le souvenir de l'avoir appelé ainsi), mais je garde en mémoire l'hilarité que cela a provoqué chez nous ainsi que le sentiment de rejet et de tristesse pouvant se lire sur le visage de notre camarade classe visiblement affecté moralement par ce genre de remarques qu'il devait très certainement subir dans son quotidien. La peau noire, le bois d'ébène, cette majestueuse mélanine reflétant les rayons ultraviolets et contenant en son sein quatre nuances de couleur à savoir : foncée, marron, claire, blanche/lumineuse (albinos) était considérée par nos ancêtres comme étant d’essence divine. Le processus normal de notre évolution ayant brutalement été interrompu par les visages pâles, il s'avère que les stigmates et traumatismes qui sont inscrits dans notre code génétique en tant que Peuples-Nations Kamites (Noir-e-s) proviennent d'une dévalorisation constante et excessive, durant la période esclavagiste et coloniale, de ce qui représente l'une de nos plus profondes identités à savoir la mélanine. Le colorisme dont la racine principale est le racisme continue de faire des ravages au sein de nos communautés et dans nos interactions sociales qui sont fortement imprégnées par ce colorisme insidieux s'immisçant dans nos vies et qui porte ombrage à une partie de notre communauté.


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TAIGENZ : MÉLANINE SYMPHONIQUE

Taigenz, 09 Septembre 2020 ©Dimitri64NG


Tout a commencé à l’école primaire, j’avais entre 9 et 10 ans, mes amis et moi attendions à l’arrêt d’autobus. Un jour, en route vers l'école, je me rappelle des commentaires sur la couleur de ma peau ou du type de peau qui ressemblait à la mienne. L'élément qui rendait la discussion “intéressante” et là je pèse mes mots, c'était le fait que la conversation était animée par d'autres personnes noires, soit disant mes “amis”. Il n’a pas suffit de parler de la teinte, je les entendais faire allusion à la différence qui existait entre ma couleur de peau et la leur. Ma peau était considérée “la plus” foncée (jusqu’au point de me comparer à une banane brûlée). En plus du fait que je sois aussi Africain, ajoutait à l’idée que j’étais beaucoup plus “différent” (de manière péjorative) comparé aux autres (noirs). Le problème n'était pas vraiment le sujet de conversation, puisque les enfants en général sont curieux. Je pense que ce qui m’a le plus dérangé, c'était la mesquinerie derrière les commentaires et ceci, tous les jours durant plusieurs mois. Ce fut une période assez délicate pour moi durant mon enfance. Mon estime de soi était à la baisse, voire quasi inexistante, et je n’avais vraiment personne à qui me confier. La majorité des consignes qu’on me donnait à l'époque, c'était: "ignore ce que l’on dit par rapport à ton apparence”, j’ai donc éventuellement développé un mur émotionnel. Ce mur est toujours en place aujourd’hui, bien construit et bien décoré dû aux expériences que j’ai vécu plus jeune. De nos jours, je suis capable de faire disparaître et réapparaître ce mur là comme bon me semble. Par-contre, durant mon adolescence, quand mes camarades de classe et moi commencions à fréquenter des filles et commencions à connaître nos “préférences” chez le sexe opposé, rarement j’entendais des mots valorisants sur un jeune homme noir et foncé. J’ajoute même, qu’il fut un temps dans ma jeunesse et celle de nombreuses personnes de ma génération; la communauté noire identifiait le: “beau p‘tit lightskin” avec des tresses à la Allen Iverson, étant le standard de base chez les “beaux” garçons. Je ne pense plus de cette manière quand il s’agit de mon apparence, mais à l'époque un “petit” comme moi alors, teint foncé, cheveux courts, j’avais plus de chance d'être vue comme un gangster de la rue, que ce qu’on appelait les “prettyboy” dans le temps. Si je peux me permettre de me citer: “On m’accordait plus un tempérament de Mike Tyson à la fin de la septième ronde contre Holyfield, comparé à un écolier ordinaire.” J’aimerais conclure en précisant que, je suis très content du fait que je n’ai jamais développé un type de “self-hate”. C’est-à-dire, même si je n’ai pas grandi dans une communauté où ma peau était valorisée, j’ai toujours su l'honorer moi-même. J’ajoute aussi, j’ai su lui donner son importance avant que la vague d’admiration pour les hommes de peaux foncées nous envahisse également. Depuis toujours, je suis très content et extrêmement fier de ma peau, encore plus de sa couleur. Je ne suis ni victime de mon passé, ni de mes anciennes expériences douloureuses. Au contraire, celles-ci ont peut-être forgées l’homme noir que je suis aujourd’hui, ainsi que mes convictions par rapport au fait que ma peau est belle et rien au monde pourra me faire penser autrement.



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LA COLOMBE NOIRE

Colombe, 10 Octobre 2020 ©NicolasDebrosse


Je me nomme José-Colombe et je suis originaire de la Côte d’Ivoire. J’ai immigré au Canada avec mes parents à l’âge de 16 ans. Il va sans dire que ce changement a eu des effets sur moi, néanmoins je n’ai pas été si dépaysé que ça. Il est vrai que je n’ai vécu qu’en grande majorité avec les personnes de ma communauté ce qui m’a permis de ne pas m’éloigner de mes racines et de mon pays. Avant toutes choses, je tiens à préciser et accentuer quelques points. En premier lieu, ce témoignage n’a pour but de dénigrer. Deuxièmement, j’aime mes amis et je les considère comme étant les membres de ma famille élargie. Troisièmement, pour une meilleure compréhension du sujet abordé, je dois mettre en lumière ce que nous appelons communément : la bouche des Ivoiriens. La bouche des Ivoiriens, l’un des fameux traits de caractère qui nous différencie des autres peuples africains. On dit et cela d’un consensus général que les Ivoiriens sont insolents, irrévérencieux et n’ont pas la langue dans leur poche. Bref, l'Ivoirien parle mal. Cela provoque très souvent des altercations entre nous et les autres peuples africains qui ne sont pas habitués à cette manière de parler. C’est ainsi que lors d’une fête avec des amis et ma famille, j’ai été confronté à une énième remarque qui ne m’a pas laissé indifférent cette fois. Nous étions une bonne vingtaine environ voire un peu plus lors de cette fête et comme tout bon chilling l’alcool coulait à flots. Avec mes amis proches, ma famille, nous formions souvent un groupuscule dans ce genre d’évènements, histoire de nous retrouver entre nous et passer un bon moment ensemble. On n’était pas exclusif, on participait aux conversations des autres invités, mais on aimait rester ensemble. De ce fait, lors d’un échange avec l’une de mes sœurs ivoiriennes, qui prenait gentiment de mes nouvelles, elle me dit la chose suivante : « Koffi », tu as beaucoup noirci hein ! Sur le coup, je n’ai pas compris sa remarque. Une légère sensation de gêne monta en moi et je me suis demandé, suis-je trop noir pour elle ou quoi ? Est-ce que c’est l’alcool qui parlait à ce moment précis ? Nonobstant, pour faire son atalaku, il faut préciser pour l’histoire que mon amie est une femme à la peau claire. Cette remarque qu’elle m’a lancée m’a affectée de telle sorte qu’intérieurement je me demandais encore si ma teinte noire était un préjudice ? Était-ce une mauvaise chose ? J’ai eu le sentiment comme si une personne qui a une teinte de couleur noire ne devrait pas être considérée comme étant quelqu’un de beau. Et par-dessus le marché (lol), elle voulait que je l’aide à attirer un jeune homme qui se trouvait à la fête et qui avait la même teinte qu’elle dans ses filets.


Étant un bon ivoirien, digne et fier, j’ai été confronté à ce genre de parole pratiquement toute ma vie. Je me suis habitué aux commentaires de mes frères et sœurs. Ces mots peuvent être souvent blessants, voire même désobligeants, mais en réalité la majeure partie du temps ils sont dits pour taquiner. Le problème avec cette manière d’opérer, c’est qu’on ne se rend pas compte de la portée que ces mots peuvent avoir sur une personne.

Dans ma situation, même étant habitué aux mots de mes compatriotes, j’ai quand même été touché et gêné. J’ai fait table rase de ce qui avait été dit puisque je savais que cela n’était pas méchant et qu’elle ne voulait absolument pas me blesser. Mais c’est ce genre de commentaires qui crée des insécurités chez les femmes et même chez les hommes. On a tendance à mettre les personnes à la peau claire sur un piédestal de telle manière qu’on méprise les personnes à la peau noire. On a tendance à les qualifier de personnes belles, jolies et j’en passe. Ces commentaires peuvent créer des complexes d’infériorité chez les personnes à la peau noire et des sentiments de supériorité chez les personnes à la peau claire. Dans des cas plus graves, cela peut entraîner le rejet des autres voire le rejet de soi-même. Ces commentaires vont encore plus loin dans notre propre être. Ils vont même jusqu’à remettre en question nos choix et nos préférences. Oui, nos préférences sont influencées par ce que nous voyons à la télé, ce que nous lisons, ce que nous voyons chez les autres et surtout, par ce qui nous est dit. Donc, si on a été constamment intoxiqué par ce genre de remarques sans se poser de questions sur leur bien-fondé, il va de soi qu’on les adopte à notre tour. J’ai déjà eu à émettre des commentaires désobligeants envers les personnes qui étaient plus foncées que moi et je ne le faisais pas méchamment, tout comme mon amie. Je n’avais pas réalisé à quel point cela était offensant jusqu’à ce que je vive à mon tour ces mêmes critiques. Après ça, j’ai eu une révélation. Je n’ai plus eu les mêmes pensées envers mes semblables et pour les personnes qui ont une peau plus foncée que la mienne. J’ai commencé à apprécier véritablement ma peau, mon teint noir, les femmes de couleur noires. Je suis fière d’être noir et je n’ai plus peur de noircir.


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DESTRUCTION COLONIALE, COLORISME INSIDIEUX & MÉLANINE DIVINE


Destruction Coloniale – La vision négative de la peau noire a été façonnée à l'image du diable selon la conception judéo-chrétienne de l'occident et surenchérit par cette fameuse malédiction de cham voulant nous faire croire que notre peau serait l’équivalent des ténèbres. Lisapoyakama.org y consacre une tribune entière en décortiquant de façon minutieuse tous les éléments qui ont contribué tragiquement à ce que la perception de notre peau soit celle représentative de la misère, de la souffrance et de l'amertume alors que cette peau représente l'abondance, la puissance et la félicité. Toutes les personnes kamites (toute nuance de peau confondue) ont déjà ressenti en elles un complexe vis-à-vis de la blancheur et ce complexe est encore plus exacerbé chez celles et ceux qui ont la peau foncée en raison du colorisme insidieux qui sévit au sein des Peuples-Nations Kamites.


Colorisme Insidieux – Toutes les personnes kamites darkskin dès qu’elles sont conscientes du colorisme doivent être vigilantes, attentives et aiguisées leur sens de l'observation : [savoir qu’on vous remarque automatiquement même si vous avez l’impression qu’on ne vous voit pas, savoir si l’on recherche votre compagnie quand vous êtes seul-e ou si l’on se rapproche de vous activement lorsqu’on constate que vous êtes en compagnie de personnes à peau claire, prêter attention à la façon dont on interagit avec vous de façon réfractaire et hostile comparativement à d’autres personnes kamites claires de peau avec qui l’on se montre complaisant et aimable, constatez et analysez votre langage corporelle lorsque vous êtes en présence de personnes claires de peau comparativement à votre attitude en présence de personne à la peau foncée (tout est dans la subtilité du geste et du regard), remarquer l’historique des conquêtes de votre copain ou copine à la peau claire pour savoir si inconsciemment ses préférences ne vont uniquement qu’aux peaux foncées et le/la confronter à ce sujet (Est-ce parce qu’elle veut être la seule personne à briller dans le couple ?), comprendre aussi pourquoi vous-même en tant qu’une personne kamite à la peau foncée vous ne voulez pas de conquête qui vous ressemble (Est-ce parce que vous considérez que la personne claire de peau est votre trophée et que vous parviendrez à vous démarquer en société avec elle ?), savoir qu’on peut refuser de se tenir en votre compagnie seulement à cause de ce trait physique en considérant que votre carnation de peau est trop foncée ou qu’au contraire on peut rechercher votre camaraderie parce qu’on présume que vous ne serez pas en mesure de voler la vedette à la personne ou au groupe de personnes qui se tient avec vous, comprendre votre langage non-verbal et vos non-dits qui peuvent traduire des complexes et une forme de jalousie envers une personne à la peau claire sans que vous ne sachiez réellement que vous avez le Macabo* envers elle en raison de son teint lightskin, ne pas présumer que la réussite d’une personne lightskin est uniquement le fait de sa couleur de peau (plusieurs paramètres sont à considérer), avoir l’assurance de sa personne en valorisant votre peau darkskin sans faire de comparaison avec la beauté des personnes à la peau claire, sachez que vous êtes irrémédiablement des kamites avec une nuance de peau introduite par le créateur].



Macabo*: le macabo est un légume amer qui est devenu par la force des choses une expression de la Nation Mungo Ba Loba (Cameroun) qui signifie être aigri/amer comme ce légume. Cette expression est couramment utilisée dans le langage populaire et est reprise bien souvent par des web-comédien-n-es ou des youtubeurs/youtubeuses adeptent des Storytime.



Mélanine Divine – Le cosmos divin est fabuleux dans toutes ses formes de création et dans la diversité des gammes de peaux qui existent dans la génétique des Peuples-Nations Kamites.



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