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Le Double Héritage, La Dynamique Fusionnelle & La Dualité des Femmes Métisses

Dernière mise à jour : 31 déc. 2021

Le mot Métisse dans le contexte canadien désigne un peuple à part entière qui est le fruit de la rencontre entre les Premières Nations et les Européens. Dans le cadre de cet article, le mot Métisse sera employé pour désigner principalement le métissage des Êtres Mélaninés avec d’autres Peuples-Nations et principalement avec les Occidentaux.


Rama M'Bodj ©LeeEddy


AVANT-PROPOS

J'ai tenu à rédiger cet article avec des métisses que je connais personnellement et vivant à Tio’htià:ke (Montréal). J'estime qu'elles sont les mieux placées pour exprimer leur ressenti en lien avec leur métissage. Vous découvrirez le récit/témoignage de chacune d'elles, ce qui vous permettra de comprendre le double héritage, la dynamique fusionnelle qui les caractérisent et la dualité qu'elles portent en elles. L'article en question est la contrepartie féminine d'un article portant le même titre ordonné différement et qui met en lumière le témoignage des hommes (Cliquez sur lien).


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MISE EN CONTEXTE

Les Êtres Mélaninés que nous sommes avons connu des époques glorieuses et majestueuses qui bien ont faillit être occultées de notre mémoire collective en raison des tourments que nous avons vécu (esclavage et colonisation) et qui continuent de nous affliger psychiquement / physiquement, culturellement, socialement / individuellement et spirituellement. Dans la reconstitution de notre histoire, il est crucial de rassembler tous les fragments faisant partie intégrante de notre patrimoine. Cela nécessite d'inclure bien évidemment les métis/métisses qui ont contribué de façon non-négligeable à la construction, la consolidation et l'édification des Peuples-Nations Kamites (noires) tout en jouant un rôle déterminant dans les nombreuses luttes de libération qui nous ont permis de nous affranchir de l'esclavage et de la colonisation. Des noms comme Rosalie (improprement surnommée la Solitude Mulâtresse), Joséphine Baker, Rosa Parks, Kathleen Cleaver, Angela Davis, Naomi Osaka, etc. sont des noms qui résonnent en nous parce qu'elles évoquent la puissance, le dévouement, le courage, la détermination, l'originalité, l'illumination et la grandeur d'esprit.



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RAMA M’BODJ

Rama M'Bodj, 12 Décembre 2017


Mon nom est Rama M’bodj, j’ai 27ans et je suis d’origine Sénégalo-Indienne et chrétienne. Je suis née a Dakar, d’un père Sénégalais musulman et d’une mère Indienne chrétienne. J’ai grandi au Sénégal, en Côte d’Ivoire et en Tunisie, avant de venir m’installer à mes 18 ans à Montréal pour démarrer l'université. Comme vous pouvez le constater, mes origines complètement opposées en disent déjà long sur mes experiences vécues en tant que femme Métisse. Mes deux origines sont opposées à bien des niveaux : culturel, traditionnel, religieux, classe sociale, couleur de peau. Mes parents se sont rencontrés en France pendant leurs études à l'université et ma mère a décidé de suivre mon père au Sénégal, un tout autre monde inconnu pour elle. Elle m’a souvent expliqué à quel point c'était une expérience difficile pour toutes ces différences culturelles. En grandissant, j’ai petit à petit compris ce qu’elle voulait dire. En tant que métisse, je dois dire que pendant une longue période de mon adolescence, j'étais confuse sur qui j'étais et qui je devais être. Au Sénégal ou en Côte d’Ivoire lorsque je marchais dans la rue on m’appelait “la toubab” (la blanche) mais aussi la “choco” (privilégiée), et d’un autre côté que ce soit en France ou en Tunisie on m’appelait la kahloucha (la noire). Je vivais comme une sorte de bataille intérieure, tiraillée entre mes deux origines, comme si je devais faire un choix, ou faire plus paraître un côté dépendamment de mon environnement, mon atmosphère, mon entourage. Un autre point, c’est qu’on me questionnait souvent sur ma religion. Lorsque j'étais enfant je priais comme les musulmans avec ma famille paternelle. Mais arrivée à mon adolescence, je me suis plus retrouvée dans la spiritualité chrétienne. On me demandait souvent: “n’es-tu pas censée être musulmane puisque ton père l'est ?” ; “les enfants avec des parents de deux religions différentes doivent souvent être confus”.... Ce genre de propos, aussi jeunes, ne m'avaient pas aidé à faire un choix pour moi, mais plutôt basé sur le regard des autres. Il est important que je mette en avant la remise en question et la confiance en soi au niveau de l'apparence physique. En effet avoir une mère indienne avec des cheveux soyeux, long et lisse, poussait à la comparaison. Une fois de plus le genre de remarques qui revenaient souvent: "les cheveux de ta maman sont tellement beaux, pourquoi tes cheveux ne sont pas aussi longs ? ", “mais tu as quand même de belles boucles pour une noire”... Je me souviens encore de la première fois où ma grand-mère m’a vu avec un Afro, elle ne trouvait pas cela joli et me disait que je devais les lisser. Dans un premier temps, la société nous montrait un certain modèle de beauté et cela n’aidait pas forcément lorsque je me comparais à ma propre mère. Le défrisage ou tissage long, était comme un moyen de me rapprocher de mes origines indiennes, ce qui n'était pas forcément sain. Aujourd’hui, j’ai 27 ans et avec la maturité et la sagesse, je me rends compte de ma beauté unique à tous les niveaux. Toutes ces expériences et remises en question existentielles, ont forgé la femme que je suis devenue : forte, indépendante, belle et intelligente. Je me considère chanceuse de ce métissage, car il m’a permis d’ouvrir mon esprit a l’acception de la difference, à aimer et apprendre plus sur les autres cultures. Il m’a aussi permis de m’aimer davantage. Je sais aussi qu’au Sénégal, ils adorent regarder les films indiens. Malgré certains propos difficiles, je pense qu’il y a une certaine admiration envers la beauté de la culture de ma mère. Je retiens aussi toutes ces fois lorsqu'on me demande mes origines, La réponse laisse toujours les gens sans voix. Effectivement, je pense n’avoir jamais rencontré une autre personne ayant les mêmes origines que moi. Si je devais décrire mon héritage en 3 mots : rare, unique, différent. Je suis fière de mes origines et d’avoir des parents aussi différents car ils m’ont inculqué de par leur relation à accepter la différence. Ils ne m’ont jamais forcé à choisir une religion, une culture, bien au contraire ils m’ont laissé l'opportunité de faire mes propres choix de vie. Je suis reconnaissante de mon héritage.



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VIRGINIE-SANKARA CANTIN-DIARRA

Viriginie-Sankara Cantin-Diarra,01 Août 2018 ©NirinaNgartola


Je suis métisse. Ce terme implique que je suis issue de l'union de deux personnes d'origine ethnique différente. Dictionnaire Larousse mais le mot “métis” m’évoque un flou et un si grand éventail d’humains aux identités diversifiées et complexes, que je trouve dommage de l’employer sans précision. Donc plus précisément, je suis une femme noire métissée blanche. Et encore plus exactement, je me présente et définit comme une personne malienne métissée matanaise, née à Montréal. Durant la première partie de ma vie, j’ai grandi aux côtés de ma mère d’origine québécoise (de confession catholique). Ma mère m’a inculqué les plus belles et nobles valeurs. Elle m’a transmis tout ce qu’elle savait en me considérant toujours d’égal à égal. Sa philosophie du “vivre et laisser vivre” héritée de son père, m’a permis de grandir librement et de découvrir la vie comme bon me semblait, apprenant de mes propres erreurs, toujours présente et soutenante. Elle m’a tout donné et pour cela, entre autres, je suis fière de l’héritage qu’elle me lègue. Je suis la seule personne non caucasienne de ma famille québécoise, mais je n’ai jamais ressenti cette différence, ou du moins personne ne m’a jamais fait ressentir différente dans mon cocon familial. C’est plutôt en vieillissant, en rencontrant des personnes qui m’étaient inconnues, qui me posaient cette fameuse question à laquelle a droit toute personne de “minorité visible” : D’où viens-tu ? en version québécoise : “Tu viens d’où toi ?”, que j’ai réalisé que la plupart des gens, que la société entière dans laquelle j’étais née, dans laquelle j’avais vécu toute ma vie, ne me considérait pas comme québécoise. Le plus difficile dans cette réalisation, est que cette culture était tout ce que je connaissais et tout ce à quoi je m’identifiais.


Virginie-Sankara Cantin-Diarra


Je connaissais le mafé (plat traditionnel malien et panafricain) et le poulet yassa que ma mère a appris à cuisiner auprès de mon père, mais je ne connaissais rien, ou du moins presque rien de la culture malienne. Même pas la ville où mon père était né, rien. Je me souviens un jour, à un ancien emploi, après m’être fait posé la “fameuse question” par un client, lui répondre : Je suis malienne et gaspésienne. Il s’est tout de suite mis à me déblatérer TOUT ce qu’il savait sur le Mali, en me posant des questions sur sa géographie, sur la ville d’où venait ma famille. Je n’oublierai jamais la honte et le vide que j’ai ressenti à ce moment. Comment dire que je ne suis jamais allée au Mali ? Que je ne connaissais pas cette partie de mon histoire ? Que je ne me connaissais pas, dans mon entièreté ? Et surtout, comment me l'admettre à moi-même ? Depuis ces multiples réalisations, j’ai choisi d'entamer une véritable quête identitaire, pour apprendre et mieux comprendre une partie de ce que je suis. J’ai appris qu’en l’absence d’un parent pour nous inculquer une culture, on pouvait compter sur les livres, sur nos ami.e.s, des collègues, des inconnu.e.s et surtout, sur nous même. Je dévore tous les savoirs qui me sont partagés sur le Mali, mais aussi sur l’Afrique et l’afrodescendance dans son ensemble. Je découvre avec émerveillement les œuvres de la négritude, les écrits de Baldwin, les poèmes d’Audrey Lorde, le cinéma de Nollywood, les séries sénégalaises, la langue Bambara, des recettes que j'expérimente avec mes ami.e.s ! Je découvre aussi tristement, l’histoire des colonisations, les conséquences de celles-ci, les horribles diktats du colorisme, l’esclavagisme, les fondements du racisme systémique et les dualités de ce double héritage qui m’habite.


Récemment, j’ai décidé de me rebaptiser de Virginie à Virginie-Sankara, en hommage à l’intègre Thomas Sankara, sa pensée révolutionnaire et parce que je considère important que mon prénom soit le fidèle reflet de mes origines.

Depuis quelques mois, j’ai également appris à faire mes propres coiffures tressées. Bon, ce n’est pas parfait, mais je m’améliore avec le temps et suis franchement heureuse de cet accomplissement ! Plus j’apprends, plus je me sens fière et entière de toutes les origines qui me composent. Certes, être métis.se, implique parfois d’être confronté.e à de difficiles débats interculturels au sein de sa propre famille, mais à mes yeux, il demeure qu’il n’y a rien de plus beau que le mélange des cultures. À travers les différences des un.e.s et des autres, le partage de celles-ci, dans un contexte de bienveillance et d’ouverture d’esprit, résulte souvent à de nouvelles perspectives et de grands apprentissages sur le monde qui nous entoure et sur nous-mêmes. À tou.te.s les métis.se.s de sang, de cœur, d’adoption à celles et ceux qui ont la chance de vivre dans un environnement où les cultures se rencontrent et s’entrechoquent, savourez la complexité et l’unicité de chaque personne. Enfin, ne laissez personne d’autre que vous même définir qui vous êtes. Votre identité vous appartient. C’est à vous de l’explorer, de vous l’approprier et de la célébrer. Je suis femme, je suis queer, je suis montréalaise, matanaise et malienne et mon unicité est mon identité.


Virginie-Sankara Cantin-Diarra, 30 Juin 2015


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DOUBLE HÉRITAGE, DYNAMIQUE FUSIONNELLE & DUALITÉ DES FEMMES MÉTISSES

Rama M'Bodj,14 Mai 2020 ©LeeEddy


En lisant l’histoire de Rama M’bodj et de Virginie-Sankara, vous vous apercevez qu'elles découvrent leur métissage à travers le regard des autres. Le regard de la société dans laquelle chacune a vécu leur a fait miroiter une partie de leur héritage sans véritablement prendre en considération l’autre patrimoine qui font d’elles des femmes métisses.


Double Héritage au Féminin – Métisse-Kamite : pour comprendre avec justesse et exactitude le métissage des personnes qui le vivent, il faut que nous accordions du crédit au ressenti de leurs expériences. Nous devons nous abstenir de poser des questions et des commentaires déplacés, mais plutôt entamer des conversations réfléchies et sincères pour comprendre le double héritage des personnes métisses. Notre prisme doit se faire en fonction de la perception qu’elles ont d’elles-mêmes. Nous devons éviter de nous focaliser sur une partie de leur métissage qui nous paraît évident en minimisant ou en occultant comme les Leucodermes savent si bien le faire, l’autre aspect qui constitue une autre part entière de ce qu’elles représentent. En tant que métisse-kamite, elles sont comprises entre les traditions des Peuples-Nations Kamites dont elles sont issues et les éléments culturels qui font partie intégrante de d’autres peuples dont elles sont également les dépositaires. On se saurait leur demander de se dissocier de ce qui constitue leur être véritable, ça serait fragmenter leurs âmes.


Dynamique Fusionnelle – Enfants de la Résurgence : l’existence des métisses-kamites vient nous rappeler la rareté et l’unicité de leur incarnation. En effet, les parents d’enfants métisses doivent pour certains d’entre-eux braver les interdits, les restrictions et les réticentes à leur union. Leurs enfants-métisses viennent conforter l’amour que les parents se portent ou dans le cas contraire réveiller des blessures familiales non-cicatrisées si les communautés dont elles proviennent sont fondamentalement divergentes. Les enfants-métisses marquent la différence par leur présence, elles viennent déroger aux règles préétablies des deux communautés dont elles sont les garantes. Leur existence est une transgression bienheureuse de codes inscrits dans les communautés respectives dont elles proviennent et dont certains craignent la dissolution lorsque la mixité se présente à eux.


Dualité – Continuité, Discontinuité : En tant que Peuples-Nations Kamites nous ne devons pas craindre le métissage, quand on sait très bien que les corpus de lois ont été pensées, conceptualisées et appliquées par/pour les Leucodermes parce qu’ils avaient la hantise de ne plus correspondre à l’idéal de la blancheur en cas de mélange. Cette volonté manifeste de vouloir empêcher le métissage est une offense faite aux métisses qui existent déjà et une invalidation de leur existence en tant que des âmes distinctes à la croisée des chemins. La dualité qui habite des métisses sera mise à rude épreuve lorsqu’elles connaîtront l’allégresse qui caractérise les relations amoureuses. En fonction de la personne qu’elles auront choisie pour former un couple, elles seront en discontinuité avec l’un des aspects qui façonne leur identité ou en continuité avec l’un des éléments qui constitue la pierre angulaire de leur être en tant que femme métisse-kamite.


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